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Le long poème du jour : " Tailler la route, " ou " Le long périple Rabelaisien, " de ... Rotpier
Petit (assez long ! ) souvenir de vacances au Pays de Rabelais...
Tailler la route,
ou
Le long périple Rabelaisien,
A la suite d’un gros chagrin
- on m’avait volé mes lapins ! -
sac à dos j’ai taillé la route
avec mon chien rempli de doute.
Ne vous méprenez pas c’est moi
qui était en plein désarroi
mon chien lui avait la patate
pas de problème de prostate !
Je vous rassure moi non plus
même si ce n’est pas exclu
qu’un jour j’aie des incontinences
pour l’instant je tiens la distance !
Je vais vous confier un secret
la chapardeuse était tout près
une femme au trois quarts manouche
qui avait partagé ma couche !
Il faut être vraiment crétin
pour partager sans savoir rien
son lit avec une inconnue
rencontrée un soir dans la rue.
Elle était experte en amour
mais au matin au petit jour
plus de lapins plus de gitane
et plus non plus de caravane !
Elle avait vidé mes clapiers
aidée par plusieurs équipiers
plus de lapins plus de lapines
totale et complète rapine !
Un sacré retour de bâton
alors mon chien sur les talons
je suis parti pour un périple
jonché de surprises multiples.
Sur les traces de Rabelais
et partant du bourg de Benais
je quittais pour trois mois ma ferme
la confiant à Vincent Delerm.
Pourquoi lui et pas son cousin
me direz-vous mine de rien :
je lui trouve beaucoup de classe
il n’est pas fier et ça le classe.
Son père n’était pas dispo
il s’occupait du goût des mots
sinon il aurait fait l’affaire
ils ont tous deux du savoir faire !
Et le périple commença …
Une vigneronne à Bourgueil
qui prenait le frais sur le seuil
de sa maison ma foi coquette
m’a paru pour le moins pompette.
Elle m’a dit : « Viens boire une coup !
mon bonhomme il a mis les bouts
avec la voisine d’en face
une redoutable poufiasse ! »
J’ai bien mangé et j’ai bien bu
mais quand elle m’a dit : « Veux-tu
que l’on fasse des galipettes ? »
j’ai vite repris ma musette !
Je suis arrivé à Chinon
et j’ai squatté un cabanon
abandonné en bord de Vienne
qui n’avait plus qu’une persienne !
Il a vraiment plu à mon chien
même quand je lui disais : « Viens ! »
je voyais qu’il faisait la tête
et c’est moi qui restait tout bête !
Une chienne est venue un jour
elle cherchait le grand amour
mon chien l’a très vite séduite
pour la laisser tomber ensuite !
Je suis passé chez le coiffeur
car j’avais la tignasse en fleur
il m’a dit : « C’est vraiment dommage
la mode n’est plus au crêpage !
J’avais appelé mon salon :
« Au bon crêpage de Chinon »
les femmes et les demoiselles
venaient chez moi pour être belles !
Elles se battaient pour entrer
on voyait les jupons voler
c’était un spectacle grandiose :
volées de coups et ecchymoses !
Il y avait des spectateurs
moitié sportifs moitié voyeurs
je louais tabourets et chaises
aux plus vieux pour qu’ils soient à l’aise !
Je me suis fait un tas de fric
il y avait même des flics
qui se délectaient du spectacle
portant ces combats au pinacle !
Mais un gradé a tout gâché
un vieux barbon tout desséché
il m’a fait fermer la boutique
en jubilant comme un sadique !
Un matin j’ai dit à mon chien :
« Allez on reprend le chemin ! »
et on a traversé Avoine
sans y rencontrer un seul moine.
Nous avons fait un grand détour
pour passer loin des alentours
de la centrale nucléaire
allongeant notre itinéraire.
Ce n’est pas que l’on avait peur
de son nuage de vapeur
mais l’atome ça fout les boules
on s’est barré : roule ma poule !
On est passé à Parilly
à petits pas c’était la nuit
nous avions raté Saint-Lazare
cela nous a paru bizarre !
A Seilly nous avons croisé
des moutons avec leur berger
qui n’étaient pas ceux de Panurge
évoqués par le grand démiurge !
N’empêche que ledit berger
avait un air de Rabelais
comme lui l’amour de la treille
du vin de la dive bouteille !
Il m’a dit viens boire un canon
j’ai ma réserve de chinon
et ce n’est pas de la bibine
ça vient droit de chez ma cousine.
Elle est de Cravant-les-Coteaux
son mari connaît son boulot
qui sait s’occuper de la vigne
et d’elle aussi je le souligne !
Et on s’est mis à picoler
en mangeant un petit pâté
de lapin cuit à la terrine
entre deux séances d’urine !
Quand on boit il faut évacuer
il faut bien la vessie vider
ça rentre dans l’ordre des choses
vous partagez je le suppose ?
Pendant ces agapes mon chien
était devenu bon copain
avec ceux tout poilus du pâtre
dont un qui avait une emplâtre.
Après deux jours à dessoûler
on est reparti vers Ligré
le dolmen situé dans la plaine
s’ennuyait de façon certaine.
Il était content de nous voir
comme il commençait à pleuvoir
nous avons accepté son offre
d’hébergement en catastrophe !
On a dormi vachement bien
à l’abri sans rites païens
ni barbarie ni sacrifice
pas de trace de maléfice !
On est passé trois jours plus tard
sur le pont de l’Ile-Bouchard
quand nous avons suivi la Vienne
se sont refermées les persiennes !
L’accueil n’était pas chaleureux
on n’aime pas ici les gueux
qui ont une drôle d’allure
souliers usés et grands galures !
Heureusement un vieux curé
nous a aussitôt hébergé
dans son vaste et beau presbytère
alors qu’on nous lançait des pierres !
Sa bonne nous a préparé
un bon repas au pied levé
pas arrosé au vin de messe
mais au chinon je le confesse !
Un curé comme on en fait plus
en soutane et marchant pieds nus
très attentionné pour ses ouailles
ne recherchant pas les médailles !
Bon vivant et même un peu plus
aussitôt porté sur le « tu »
il m’a raconté des histoires
plutôt scabreuses c’est notoire !
Quelques secrets de confession
sans révéler le moindre nom
par soucis de délicatesse
mais il était question de fesses !
La vieille bonne souriait
bien appuyée sur son balai
connaissant sans le moindre doute
tous ces secrets… oh ! La filoute !
Plus jeune elle avait sûrement
eu un sacré tempérament
pas du genre à se faire nonne
le curé l’avait à la bonne !
Croquer la pomme en ce temps là
pour un curé pas de tracas
petite entorse aux évangiles
bien mieux que d’être pédophile !
Mon chien et moi sommes restés
bien plus longtemps qu’envisagé
jusqu’à ce que des paroissiennes
jettent des cailloux aux persiennes !
Le curé n’allait plus les voir
occupé du matin au soir
à me raconter les fredaines
de la femme d’un capitaine !
Elle avait essayé en vain
de séduire le sacristain
elle se trouva toute bête
quand il lui dit : « J’suis d’la jaquette ! »
Elle s’est rabattue sur moi
j’ai refusé comme il se doit
mais elle avait de la constance :
j’ai succombé aux circonstances !
Nous sommes partis une nuit
pour éviter les gros ennuis
mon chien devant et moi derrière
nous avons franchi des barrières.
Nous sommes passés par Roncé
et avons vu le pigeonnier
nous avons traversé des vignes
et rencontré des gens très dignes.
Nous avons abordé Panzoult
par les étangs et pour le coup
une nuée d’évangélistes
avait squatté toutes les pistes !
Nous avons évité l’endroit
et sommes partis vers les bois
où nous avons trouvé très vite
un abri dans les troglodytes.
Il y en a énormément
dans la région c’est très courant
comme celui de la Sibylle
que Rabelais brosse avec style.
D’ailleurs nous y sommes allés
nous avons vu un vieux balai
abandonné depuis des lustres
mais rien de la voyante illustre !
En dessous le Moulin Girault
et son étang aux calmes eaux
formait un spectacle admirable
d’une beauté inoubliable.
La cave étant à quelques pas
nous y sommes allés ma foi
mon chien faisait un peu la tête
pas moi car c’était jour de fête !
J’ai goûté et j’ai regoûté
du Chinon clair et du corsé
au point d’être à la fin pompette
bon à ramener en brouette !
On m’a soigné et hébergé
mon chien était bien rassuré
on nous a bien rempli la panse
des braves gens qu’en on y pense !
Puis notre périple a repris
tranquillement et sans ennui
jusqu’aux abords de Rivarennes
en passant par une fontaine.
Un endroit sympa et peinard
pour nous délasser les panards
nous y avons planté la tente
pour nous reposer sans attente.
Nous étions frais comme gardons
nous avons croisé sur le pont
une vieille femme ridée
pire qu’une poire tapée !
Fort sympathique au demeurant
elle a trouvé mon chien marrant
bien sûr il lui a fait la fête :
un vrai cabotin cette bête !
Et elle nous a invités
à partager son déjeuner
elle avait fait une blanquette
un vrai régal dans les assiettes !
Après tous nos remerciements
et un au revoir au tournant
nous avons repris le voyage
par des chemins sans balisage.
En arrivant à Restigné
nous avons été désignés
comme voyageurs de l’année
lors d’une homérique veillée !
Le Bourgueil a coulé à flot
en méchoui y avait deux agneaux
en déssert des poires tapées
quelle épopée quelle épopée !
Nous sommes restés quelques jours
mon chien a aimé le séjour
passant son temps avec des chiennes
qu’en moins de deux il faisait siennes !
Mais il était temps de rentrer
de boucler la boucle à Benais
de retrouver enfin ma ferme
et remercier Vincent Delerm.
Il m’attendait sur le perron
sans la vipère du Gabon
disant qu’il avait des idées
sur les piqures d’araignées !
J’avais pris soif sur le chemin
il m’a offert une Jenlain
j’ai apprécié comme son père
la première gorgée de bière !
Je l’ai remercié chaudement
d’avoir gardé mes bâtiments
mes cochons mes oies et mes poules
il m’a dit « T’inquiète ça roule ! »
Pour que tout se finisse bien
j’ai acheté douze lapins
un fusil et plein de cartouches :
« Passez au loin femmes manouches ! »
Terminaison :
Je ne sais pas si Rabelais
aurait aimé ce long ballet
de strophes un peu chaotiques
lui le chantre du fantastique.
J’espère que vous avez ri
ou qu’au moins vous avez souri
car comme disait le bonhomme
« Le rire est le propre de l’homme. »
Pour ma part, je propose ces adages :
« Qui ne rit pas est déjà mort
et dans sa tête et dans son corps
à quoi sert de vivre en ascète
à peine plus gai qu’un squelette ! »
« On ne peut pas rire de tout
mais comme disait un Bantou
tout souriant et débonnaire :
il est bien cuit le missionnaire ! »
Rotpier
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Tags : Poésie, humour, Le long poème du jour : " Tailler la route, " ou " Le long périple Rabelaisien, " de ... Rotpier
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Commentaires
Bonjour Pierre,
bravo pour ce poème fleuve bien marrant, je dois le dire car le rire peut-être aussi le propre de la femme.
Je note au passage ta fidélité au Chinon.
Bonne soirée à toi,
Mo
Bonjour Mo !
Merci Mo !
Le propre de la femme aussi bien sûr !
Moi, pour le pinard, c’est du rouge de là-bas... Chinon rien !
( Même pas vrai ! )
Bonne journée !
Pierre
http://rotpier.eklablog.com/